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Amsterdam West : la démocratie participative à l'épreuve du terrain

Pays

Pays-Bas

Type d'expérience

planification participative espace / atelier de diagnostic... auditions, forums et assemblées

Thème

tous

ODD

SDG 10 SDG 11 SDG 16

Dans ce quartier de la capitale des Pays-Bas, élus et fonctionnaires ont mis en place un nouveau système relationnel avec les habitants, destiné à les inciter à participer et à tisser du lien pour améliorer la qualité de vie de tous.

Description

Expérience publié à La Lettre du Cadre

Amsterdam West, ses 135 000 habitants, ses ghettos pluriethniques marqués par la pauvreté et l’exclusion, n’était pas la zone la plus attractive de la capitale. Certes, quelques rues se gentrifient au milieu des classes moyennes fragilisées, mais rien qui ne puisse contre-balancer l’image de ces groupes de jeunes désœuvrés dans les rues et des squats mal famés…

 

Une coalition locale élue

Cette division administrative, située à l’ouest de la ceinture des canaux, a connu un essor fulgurant entre la fin du XIXe siècle et la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, avec 16 000 habitants au kilomètre carré, West est la zone la plus dense de la capitale. En 2010, un nouveau découpage définit la zone. La coalition locale élue associe le parti travailliste  PVDA, les écologistes et une formation sociale-libérale (D66).

Sortant  des schémas édictés par leurs partis respectifs, basés sur une approche « Top down », les membres de cette coalition mettent au point leur propre formule : réduire au maximum l’institutionnalisation, exclure les « conseils de jeunes » ou « conseils des aînés », et se rapprocher le plus possible des habitants en leur ouvrant des espaces, dans lesquels ils peuvent développer leurs propres outils : associations, petits commerces, services, entraide… La formule est peu orthodoxe, tout comme les étapes qui ont permis à l’équipe d’enclencher la démarche.

Une précieuse collecte de renseignements

Car en premier lieu, pour se rapprocher de la population et de ses besoins, la zone a été découpée en quartiers, chacun étant placé sous la responsabilité d’un fonctionnaire. Entouré d’une équipe d’environ trois personnes, un agent de police, un éducateur et un spécialiste des services sociaux, ce fonctionnaire passe l’essentiel de son temps sur place. Pour sa première action, le groupe identifie des zones stratégiques susceptibles de développer un premier projet local : soit une zone désertée par les habitants, soit très fréquentée, soit dégradée… Après cette première étape d’exploration du terrain, ils partent à la rencontre des habitants en… s’asseyant sur un banc, sur une zone de passage, et les interpellent. Des conversations riches en enseignements, dans la rue, avant d’aller frapper aux portes en fin d’après-midi, pour croiser ceux qui rentrent du travail.

En plus de récolter des informations précieuses, les membres de l’équipe transmettent également le message suivant : « nous sommes des fonctionnaires à votre service, parlez-nous de vos difficultés dans le quartier, de vos besoins mais aussi des initiatives que vous souhaiteriez contribuer à développer ». Une fois cette prise de contact établie, les informations recensées par ce biais ont été confrontées à une analyse des besoins de la population réalisée en amont, à partir de statistiques.

Des habitants qui s’approprient les projets

Ces   équipes   locales,   désormais connues de la population, ont ensuite intégré des locaux atypiques : ancien logement social, ancien local de jeunes… un lieu éloigné des symboles de tracasserie administrative.

À ce stade, des réunions de quartier, diffusées principalement par le bouche-à-oreille plutôt que par le papier, ont permis aux habitants de poser les bases d’un projet commun, qui leur appartiendrait. L’équipe se positionne en support, pour aider à la constitution de communautés locales d’entraide et d’échange de services. Un processus d’empowerment qui put rapidement dépasser la création d’entraide locale pour s’intéresser également à l’orientation du budget municipal, ce que l’ex-maire à l’origine du projet, Martien Kruitenbrouwer, décrit comme « l’effet spillover » ou effet d’engrenage, en français (voir encadré). Les citoyens, invités à arbitrer les priorités, ont ainsi pu constater les difficultés de l’exercice, et s’impliquer concrètement dans l’amélioration de leur quartier.

Grâce à ces lieux et à l’ouverture du protocole, de nombreuses initiatives ont vu le jour, depuis l’activité sportive de quartier pour les jeunes, des groupes d’entraide pour les mères, jusqu’à l’organisation de formations professionnelles. En donnant les rennes de l’organisation aux habitants, ces derniers sont entrés dans un processus participatif, et ont commencé à participer sérieusement, régulièrement à la vie de la cité.

 

La théorie du « spill-over », ou théorie de l’engrenage, à l’échelle d’un quartier

Appelée aussi théorie fonctionnaliste, il s’agit d’une théorie des relations internationales. Base de la construction de l’Union européenne, cette théorie défendue par Jacques Delors avait pour objectif de mettre en place un système international pacifique, par le biais d’institutions qui transcendent l’État-nation. Selon la théorie du spill-over, une politique entraîne nécessairement de poursuivre avec une autre. Dans l’exemple d’Amsterdam West, l’ex-maire Martien Kruitenbrouwer et le chercheur Christophe Sente ont transposé les principes du spill-over à leur expérience. Car cette théorie adopte une perspective dite « Bottom up », du bas vers le haut, signifiant que les nécessités de la base entraînent la création d’institutions au sommet pour les satisfaire. En impliquant les citoyens dans l’action publique, ces derniers transfèrent leur loyauté vers les organisations supérieures. Cette théorie s’inspire du New Deal, dans lequel chaque problème était traité individuellement. Ainsi, selon cette théorie, il faut qu’il y ait une liberté totale d’organisation, tant du point de vue de leur création que de leur fonctionnement.