Le dimanche 26 septembre 2021, un référendum non contraignant a été organisé après que l'initiative citoyenne "DW und Co. Enteignen" (Expropriation de Deutsche Wohnen et Co.) a réussi à recueillir les signatures nécessaires. 56% des électeurs berlinois ont approuvé le projet visant à permettre l'expropriation des sociétés privées de logement, en particulier celles qui possèdent plus de 3 000 unités de logement. Les autorités de la ville-état de Berlin ont maintenant la responsabilité d'adopter la proposition soutenue par ce référendum.
Le processus de collecte des signatures et la proposition de vote
Pour organiser un référendum, les citoyens peuvent proposer des lois et si suffisamment de signatures sont recueillies, le gouvernement est contraint d'organiser un référendum. Les signatures doivent être fournies sur un formulaire papier spécifique, avec l'adresse et la date de naissance du signataire, afin que le bureau électoral puisse vérifier leur résidence à Berlin.
La première phase a nécessité la collecte de 20 000 signatures - dans ce cas, 77 000 ont été recueillies entre avril et septembre 2019. Ensuite, la proposition a fait l'objet de plus d'un an d'examen juridique officiel avant d'être déclarée valide. Durant cette période, le gouvernement a tenté de convaincre DW&Co Enteignen d'édulcorer la formulation de la demande de socialisation du logement pour en faire une simple suggestion. La campagne a tenu sa ligne et n'a pas succombé à cette tentative de cooptation.
La position officielle de la coalition gouvernementale sur la proposition soulignait qu'un projet de loi d'expropriation nécessiterait qu'au moins 226 000 unités de logement à Berlin deviennent propriété publique, ce qui ne peut être réalisé que par une loi de socialisation politiquement et juridiquement controversée.
La campagne
La campagne a entamé la deuxième phase, qui nécessitait la collecte de signatures de 7 % des électeurs à Berlin, soit environ 172 000 personnes, dans le but de forcer un référendum sur la question.
L'approche adoptée pour y parvenir consistait à organiser des Kiezteams (équipes de quartier) dans chaque district de la ville, qui s'occupaient de recueillir des signatures dans les lieux publics.
Les barrières à l'entrée ont été réduites : chaque Kiezteam et équipe de campagne, ainsi que l'ensemble de la campagne, ont organisé des réunions régulières en ligne, et ont créé une application mobile permettant à chacun de visualiser et de participer aux prochaines collectes publiques.
De nombreuses autres personnes ont également téléchargé le formulaire et collecté des signatures parmi leurs cercles sociaux et leurs collègues de travail, sans être liées aux structures de la campagne.
Les activistes estiment que la législation serait constitutionnellement compatible avec la Loi fondamentale allemande, en vertu de l'article 15, jamais utilisé auparavant, qui stipule ce qui suit : "Les terres, les ressources naturelles et les moyens de production peuvent, aux fins de nationalisation, être transférés à la propriété publique ou à d'autres formes d'entreprises publiques par une loi déterminant la nature et l'étendue de l'indemnisation."
Il y a plusieurs contextes clés à comprendre à propos de Berlin, pour comprendre d'où vient la campagne.
Le contexte
Au cours des 10 dernières années, le coût des loyers a doublé, alors que les salaires n'ont pas augmenté dans le même laps de temps. L'objectif de la pétition pour un référendum était de mettre fin à la folie des loyers. Les citoyens estiment que les sociétés de logement font de gros bénéfices à Berlin en augmentant les loyers.
Ils ne l'acceptent plus et ont demandé un référendum pour socialiser plus de 240 000 appartements appartenant à Deutsche Wohnen, Vonovia, Akelius & Co.
Le géant de l'immobilier Deutsche Wohnen possède environ 113 000 logements dans la capitale allemande, il était donc la principale cible de la campagne référendaire. Plusieurs autres sociétés, telles que Vonovia, qui tente de racheter Deutsche Wohnen, et le groupe Pears sont également concernées par la législation sur l'expropriation.
Le référendum s'est également accompagné d'un débat sur la conformité du plan proposé avec la constitution allemande, et toute législation future pourrait faire l'objet d'une contestation juridique.
Les résultats
Le "oui" a obtenu 56,4 % des voix, contre 39 % pour le "non", lors de ce référendum non contraignant. Ce vote populaire retentissant ne signifie pas que la mesure deviendra une réalité. En effet d' énormes obstacles juridiques et politiques demeurent.
Quelle que soit la force du vote, le référendum n'est pas juridiquement contraignant et la proposition ne deviendra loi que si les partis au pouvoir au Sénat de Berlin décident de le faire.
Si le Sénat berlinois adoptait une loi sur l'expropriation, elle ferait presque certainement l'objet de diverses contestations judiciaires. En avril 2021, la Cour constitutionnelle fédérale d'Allemagne a annulé la décision du gouvernement du Land de Berlin d'imposer une limite de cinq ans aux loyers dans la ville.
Jakob Hans Hien, avocat chez Knauthe, l'un des principaux cabinets de droit immobilier de Berlin, estime qu'une loi sur l'expropriation ne serait pas applicable à Berlin. Il estime que l'objectif de cibler uniquement les entreprises ou les particuliers possédant 3 000 appartements ou plus n'a pas de base objective.
Sources (en anglais) :
DW : Les berlinois votent oui à l'expropriation mais que se passe-t-il maintenant ?
DW : En Allemagne, les habitants de Berlin votent pour l'expropriation des géants de l'immobilier
Reuters : Les Berlinois votent pour exproprier les grands propriétaires immobiliers
Bloomberg : Les Berlinois votent pour exproprier les grands propriétaires immobiliers
Action logement GM : Expropriation - rapport spécial
Wikipedia: https://en.wikipedia.org/wiki/Deutsche_Wohnen_%26_Co._enteignen
Publication de l'OIDP : Influencer la politique avec des signatures ? Modèles et expériences d'initiatives citoyennes locales
Sources (en français) :
Les Echos : les berlinois votent pour l'expropriation des grands promoteurs immobiliers
Le Monde: Un référendum clé à Berlin sur l'avenir de la politique du logement
Btm Info: Les Berlinois votent en favoeur de l'expropriation des grands propriétaires bailleurs privés