Mme Bretton explique les défis et les opportunités de la démocratie participative dans la Ville de Grenoble.
Annabelle Bretton a rejoint l'équipe municipale de Grenoble en 2020 pour un mandat de six ans. Non affiliée à un parti politique, elle a été repérée par l'équipe du mandat précédent en prenant part à un projet de participation citoyenne après avoir été tirée au sort.
La Ville de Grenoble est une des plus denses de France, car elle comptabilise environ 160 000 habitants sur une superficie de 18 km2, et 430 000 habitants pour la Métropole, composée de 49 communes. Elle entretient un lien très fort avec la participation citoyenne, puisque les premiers syndicats et groupes d'actions municipaux y ont vu le jour. Il y a donc une tradition d'investissement des habitants très importante.
Annabelle Bretton a, dans un premier temps, abordé la question des critiques habituelles à l'encontre des projets de participation citoyenne. Elle considère que certaines d'entre elles sont légitimes. Selon elle, énormément de communes ont mis en place des dispositifs de Budget Participatif depuis les dix dernières années, en partant du principe que, "comme il y a un dispositif, les citoyens participent. Mais ce n'est qu'un prétexte pour ne pas aller plus loin, en ne leur laissant qu'une toute petite part du budget et en laissant les élus choisir les projets. C'est un peu hypocrite."
La Ville de Grenoble cherche à se détacher et à encourager la multiplication des dispositifs, perçus comme des portes ouvertes pour tous. Annabelle Bretton explique qu'en ultra proximité, les citoyens portent des projets dans leur secteur, comme des jardins partagés, tandis qu'au niveau de la ville, des projets de plus grande ampleur sont proposés. En effet, la Ville de Grenoble propose une trentaine de dispositifs pour répondre aux besoins et aux intérêts de chacun, comme porter des projets ou bien interpeller la municipalité pour débattre. L'objectif est d'accompagner les citoyens dans un dispositif afin qu'ils s'investissent encore davantage pour la ville et l'intérêt général, et Annabelle Bretton qualifie ces dispositifs de "porte d'entrée dans un accompagnement à plus long terme".
Parmi les initiatives de participation citoyenne mises en place par la municipalité, Annabelle Bretton mentionne le Dispositif d'interpellation citoyenne. Après un premier échec pour un dispositif de référendum local à cause de la contestation de l'État, la Ville de Grenoble a réussi à proposer aux résidents un dispositif leur permettant d'interpeller l'équipe municipale, à la seule condition d'avoir plus de seize ans, sans forcément avoir la nationalité française. Le dispositif se décline en trois étapes :
Le premier seuil, la médiation, a été porteur d'innovation, puisqu'il requiert seulement 50 signatures pour initier une discussion avec la municipalité, ce qui signifie que "même sans réseau, on peut dialoguer avec les élus". En deux ans, la Ville a comptabilisé 37 médiations initiées par les citoyens.
Pour l'atelier de projets, une initiative concerne l'accueil des enfants en dehors du temps scolaire. Grâce au dispositif d'interpellation citoyenne, 36 parents volontaires ou tirés au sort vont travailler deux soirées et deux samedis sur les attentes des familles, puis ils présenteront leur étude devant le conseil municipal.
Pour l'instant, aucun projet n'a fait l'objet d'une votation car le seuil de 8000 signatures n'a jamais été atteint.
Mais Annabelle Bretton insiste sur les limites rencontrées par la municipalité. En effet, il convient de bien expliquer aux habitants les compétences qui relèvent de la municipalité et celles qui ne sont pas de leur ressort. Parfois, les habitants ne comprennent pas que tout ne dépend pas toujours de la municipalité. Ensuite, lorsque cela s'inscrit dans le domaine de compétences de la municipalité, il faut se questionner sur la place donnée aux habitants. Dans quelle mesure peut-on questionner le programme pour lequel on a été élu ? Le modifier ?
Le dispositif d'interpellation citoyenne peut aussi aller à l'encontre de la politique municipale : des sujets auxquels la municipalité s'oppose peuvent être plébiscités par les habitants et passer le stade de la votation. Dans ce cas, Annabelle Bretton explique que c'est aussi le jeu de la participation citoyenne et du dispositif en lui-même et que c'est à la municipalité de faire campagne contre.
Pour inclure les personnes les plus éloignées des dispositifs et de la vie citoyenne, les agents de la Ville de Grenoble passent beaucoup de temps sur le terrain pour aller à la rencontre des gens et créer du lien social, même s'ils ne votent pas. Ils comptent également sur le principe de tirage au sort, avec des critères définis pour chaque dispositif (catégorie socioprofessionnelle, zone géographique etc.) pour atteindre un panel représentatif des données INSEE de la ville. Un rapport a récemment été présenté le 25 mars par les habitants après un travail d'un an avec d'autres parties prenantes sur l'impact de ce dispositif. En bref, la Ville œuvre sans relâche pour l'inclusion de tous au processus participatif grâce à un suivi, à des personnes de référence et à un travail sur l'accompagnement.
La jeunesse est également un public cible fondamental pour la municipalité. Les élus cherchent à renforcer leur participation en les sensibilisant aux enjeux de la citoyenneté et en les informant sur leur intérêt à prendre part à la vie publique et politique, en leur permettant notamment d'accéder à leurs droits. Dans le cadre de "l'éducation populaire" mise en place par la municipalité, Annabelle Bretton définit ce concept comme la primauté du processus sur le résultat et l'importance du collectif : "l'échange de savoirs, les formations tout au long de la vie ; c'est finalement être et faire ensemble".
Enfin, Annabelle Bretton a souligné l'importance des réseaux internationaux pour la démocratie participative. Il est selon elle fondamental de continuer de faire partie de ces réseaux pour se rendre compte de son niveau, et ainsi de quelles manières on peut accompagner les autres et revenir aux fondamentaux. Annabelle Bretton insiste sur l'importance de la base, qui est essentielle : "parfois, on parle davantage de droits humains que de choix de projets dans sa ville". La diversité de pratiques démocratiques a donc vraiment toute son importance.
Plus d'informations :
https://www.grenoble.fr/92-citoyennete.htm
https://grenoble.metropoleparticipative.fr/
https://grenoble.metropoleparticipative.fr/43610-atelier-citoyen-periscolaire.htm